Progression dans le chapitre
Danielle, 73 ans, dit sa peur de tomber depuis qu’elle s’est cassé le pied, mais n’est pas peu fière de réussir sans trembler sa série de mouvements face aux murs. Lili, corps longiligne, l’encourage : « Encore un moment et cet après-midi, direction le cinéma », glisse-t-elle. Georgette, un peu perdue, s’essaie à l’exercice assise sur une chaise, sous le regard attentif de Cédric Bertin, intervenant sportif : « Baissez le bras, un peu comme si vous cherchiez à attraper un objet tombé au sol ». Elle n’ose pas, doute de son équilibre, explique qu’en général elle fait autrement pour récupérer ce qui est par terre… Une prochaine fois peut-être. Ré-appréhender son corps via quelques exercices de gymnastique, voilà longtemps qu’elle ne s’y est pas essayée.
Au programme de ce vendredi, un atelier de prévention, centré sur les bienfaits de la gymnastique douce sur la santé, avec Martine Burbaud, médecin et directrice du centre de prévention Bien Vieillir Agir-Arcco situé à deux pas, et Cédric Bertin, qui anime un atelier à la Villa Mimosa chaque mercredi depuis trois ans. Ce matin elles sont sept. Sept femmes, « plutôt en forme malgré notre âge ! », plaisantent-elle. Les deux heures d’entraînement terminées, Alma Garros, la coordinatrice des lieux, discute avec celles qui ne sont pas parties. « Qu’avez-vous pensé de l’atelier ? À refaire ? Souhaiteriez-vous changer des choses ? », demande-t-elle. Un temps d’échange essentiel car, ici, les activités sont construites avec les seniors, explique-t-elle.
J’habite le quartier depuis 40 ans mais je suis veuve, les enfants sont un peu loin. Je me sentais seule. Je viens depuis 4 ans, notamment pour la partie de belote. C’est amical, chaleureux. Quand il pleut, que je risque de glisser avec mes cannes, l’un des jeunes en service civique vient me chercher. Et puis il y a Alma, qui m’a beaucoup aidé pour les démarches administratives, comme les aides à domicile ou le passage de l’infirmier. À mon âge, on s’y perd un peu !
C’est une assistante sociale du quartier qui m’a parlé de la Villa Mimosa, alors que je cherchais à "apprivoiser" Internet. Au départ, j’ai donc découvert le lieu avec les cours d’informatique. Puis j’ai continué à venir régulièrement, pour les séances de gym ou les ateliers prévention. Pour moi, l’essentiel c’est de garder mon autonomie. Alors, même quand je manque de motivation, je me force à bouger, à sortir.
Répit pour les aidants
La Villa Mimosa est aussi synonyme de possibles temps de répit pour ces aidants : halte répit détente Alzheimer (HRDA) deux fois par semaine, animée par des bénévoles de l’unité locale de Bordeaux, atelier mémoire hebdomadaire ou encore groupes de parole mensuels pour les aidants familiaux, animés par une psychologue de l’association France Alzheimer. La structure offre aussi un accompagnement personnalisé sur rendez-vous, dans les locaux ou à domicile, qui se traduit par un soutien pour les démarches administratives, de l’écoute, de l’orientation… Autant d’activités réalisées sous la direction de Laure Sarcou et avec le soutien de l’équipe administrative de l’Ehpad Henry Dunant. Si la Villa Mimosa en tant que telle ne compte qu’une seule salariée – Alma Garros –, elle est riche de deux jeunes en service civique, de l’appui des bénévoles de l’unité locale, de stagiaires et de l’intervention des professionnels extérieurs qui animent les ateliers. « Riche aussi du travail partenarial mené avec les services publics dédiés au grand âge et les structures médico-sociales locales voisines », précise Alma Garros, mettant en avant le maillage de proximité dans lequel s’inscrivent toutes ces actions.
A 14 heures, la sonnette de la petite maison abritant la Villa Mimosa résonne. Éliane, pimpante médecin retraitée, et Caroline, accompagnée par son fils, ne manqueraient la chorale pour rien au monde. Aujourd’hui, elles ne sont que deux. Mais peu importe. Julie Lagarrigue, artiste et art-thérapeute se met au piano, et leurs trois voix mêlées résonnent aussitôt haut et fort. Caroline sourit, son corps tout entier animé par la musicalité du moment. Parfois elle s’agite, craignant que les mots lui manquent. Atteinte de la maladie d’Alzheimer, sa mémoire flanche chaque jour un peu plus. Mais lorsque la musique se fait entendre, sa voix, ses mots éclatent sans faux pas. « Je m’appuie sur Éliane », s’esclaffe-t-elle. Alma Garros sourit. Il a fallu du temps pour apprivoiser Caroline et son fils, pour qu’il accepte que sa mère, dont il s’occupe presque à plein temps, ait besoin d’aide. Aujourd’hui, il va aux réunions du collectif des aidants. Caroline, elle, aime venir à la Villa Mimosa pour la chorale, la HRDA et l’atelier mémoire. Demain, elle aura sans doute besoin de plus – une aide-ménagère renforcée, un passage de l’équipe spécialisée Alzheimer d’un Ehpad voisin… Après-demain, peut-être d’activités dans un accueil de jour plutôt qu’ici. Alma Garros en rediscute avec le fils, qui opine alors que Caroline remet son manteau. Ils quittent ensuite doucement les lieux, l’un ayant pu souffler, la seconde fredonnant quelques notes de « La tendresse ». « Chantée par Marie Laforêt mais aussi par Bourvil », lance-t-elle rayonnante.
Rompre l’isolement social
Fruit d’un appel à projet « Ehpad ouverture sur le territoire », lancé en 2014-2015 par l’agence régionale de santé (ARS) d’Aquitaine, la Villa Mimosa, pôle ressources de l’Ehpad Henry Dunant, a ouvert ses portes début 2016. Ateliers de prévention et d’animation culturelle pour les plus de 60 ans, offre de répit pour les aidants, accompagnement personnalisé, temps festifs… Subventionnée par l’ARS à hauteur de 78 800 euros par an, la structure vise à accompagner et orienter les ainés et leurs proches vivant à domicile, en coordination avec acteurs médico-sociaux et associatifs du territoire, mais aussi à contribuer à prévenir la perte d’autonomie et à rompre l’isolement social. « Il a fallu un peu de temps pour que nous soyons identifiés, souligne Alma Garros. La Villa Mimosa n’est ni une maison de quartier ni un club pour les seniors, mais bien une structure médico-sociale, accueillant des seniors aux profils pluriels. Tout à la fois lieu de partage, de rencontre, de loisirs et d’accompagnement plus poussé pour les plus fragiles. C’est un espace ressources, en amont d’un accueil de jour. Notre objectif est d’éviter les ruptures de parcours », poursuit la coordinatrice des lieux. Pour cela, la Villa Mimosa a développé toute une kyrielle d’activités, adaptées aux besoins du public accueilli – 108 personnes âgées de 60 à 93 ans en 2019, dont 84 % de femmes, orientées vers la structure par le bouche à oreille, l’Ehpad, la mairie ou divers partenaires médicosociaux.
Pour certains – solitaires, fatigués ou à la mobilité réduite –, l’intervention se traduit essentiellement par des appels et des visites de convivialité, réalisées par de jeunes volontaires d’une association partenaire, Unis-Cité. Cependant, la majorité des seniors accompagnés (58 %) goûte les activités, gratuites ou à prix modéré (3 euros la séance, avec des abonnements et des aides possibles), organisées au sein même de la Villa Mimosa. On y retrouve ainsi chaque semaine du yoga, de la gymnastique douce, le rendez-vous des savoirs, l’atelier informatique individuel et « belote-thé-tricot », un temps très apprécié par les plus âgés. Plus ponctuellement, il y a la chorale, l’atelier de prévention-santé, l’aromathérapie, l’atelier de solidarité culinaire ou les réunions du collectif des aidants bordelais.